Europe : Adoption d'une nouvelle directive pour lutter contre la fraude fiscale *

Publié le par Maître Lassâad Dhaouadi

La fraude fiscale, dont le non-paiement des taxes et impôts est une des formes principales, a atteint des proportions très élevées au sein de l’Union européenne. La lutte contre cette pratique requiert une conjonction des efforts, qui peut être mieux réalisée grâce à un instrument communautaire renforcé prévoyant des règles de procédure communes ainsi que des dispositions relatives à des méthodes, formulaires, formats et canaux de communication communs.

 

La difficulté croissante que représente la collecte correcte des taxes et impôts normalement  exigibles a des répercussions sur le fonctionnement des systèmes fiscaux et entraîne un phénomène de double imposition par le fait que les contribuables disciplinés financent les services publics consommés par les fraudeurs, lequel incite à la fraude et à l’évasion fiscales.

 

C’est pourquoi un État membre ne peut gérer son régime fiscal interne sans disposer d’informations provenant d’autres États membres, notamment pour ce qui est de la fiscalité directe. Afin de surmonter les effets négatifs de ce phénomène, il est indispensable de mettre au point un nouveau mécanisme de coopération administrative entre les administrations fiscales des différents États membres.

 

La directive 77/799/CEE du Conseil du 19 décembre 1977 concernant l’assistance mutuelle des autorités compétentes des États membres dans le domaine des impôts directs et des taxes sur les primes d’assurance n’est plus l’instrument approprié du fait que lors de son adoption la liberté de circulation n’existait pas et l’intégration n’en était qu’à ses balbutiements.

 

La directive 2003/48/CE qui a prévu un système de retenue à la source en matière de fiscalité des revenus de l’épargne sous forme de paiements d’intérêts propose une première approche visant à limiter les effets négatifs sur le plan fiscal de l’internationalisation des investissements. Cependant, cette directive ne porte que sur un certain type d’épargne. Elle montre néanmoins que lorsque l’uniformité des outils et instruments est assurée, les États membres parviennent à échanger des informations de manière appropriée et efficace.

Compte tenu de ces insuffisances, les ministres des Finances des Vingt-Sept ont adopté le 6 décembre 2010, à l’unanimité, le projet de directive sur la «coopération administrative en matière fiscale» qui généralise, à partir du premier janvier 2015 l’échange automatique et spontané d’informations en matière de fiscalité directe.

De son coté le Conseil de l’Union européenne a approuvé, le 7 décembre, le même projet de directive visant à renforcer la coopération entre les États  membres dans le but de lutter efficacement contre le phénomène de la fraude fiscale qui rompt le principe d’équité et d’égalité.

Grâce à ce nouvel instrument juridique, la coopération administrative dans le domaine de la fiscalité directe sera alignée sur les dispositions en vigueur en matière de coopération administrative dans le domaine de la TVA et des droits d’accises.

Ainsi, l’échange automatique et spontané d’informations fiscales au sein de l’Union européenne est désormais balisé.

Le ministre luxembourgeois des Finances, Luc Frieden, a jugé «qu’il n’y a pas d’urgence à réviser le système de retenue à la source en vigueur dans le cadre de la directive fiscalité de l’épargne car il fonctionne bien»

La directive vise à permettre aux États membres de mieux lutter contre la fraude fiscale et  l'évasion fiscale, compte tenu de la mobilité plus grande des contribuables et du volume croissant des  transactions transfrontalières. Elle vise,  aussi, à protéger plus efficacement les intérêts financiers des États membres et d’éviter toute distorsion du marché motivée par une concurrence fiscale déloyale.

 

Lors de l’adoption de la nouvelle directive, les discussions au sein du Conseil ont porté essentiellement sur les dispositions relatives à  l'échange automatique d'informations sur certaines catégories de revenus et de fortune.

Le fait que les États membres ne seront plus en mesure d'invoquer le secret bancaire pour refuser de coopérer les uns avec les autres constitue l'un des éléments clés de cette directive.

 

Suite à l’adoption de cette nouvelle directive, les types de coopération administrative verront leur nombre augmenter (plus de demandes d’informations, échanges spontanés et automatiques, contrôles simultanés, partage d’informations et d’expériences, contrôle au sein des bureaux des autres États…).

 

Cette directive  a introduit le principe de la nation la plus favorisée puisqu'elle oblige les États membres à accorder le même niveau de coopération à leurs partenaires européens que celui consenti à tout autre pays tiers, ce qui souligne la dimension spécifiquement européenne

 

Elle traite des formulaires et formats informatiques communs pour l’échange des informations. Les formulaires communs sont en cours d’élaboration et déjà employés dans le cadre d’une action pilote. L’échange automatique des formulaires d’information s’effectuera selon le format utilisé pour l’échange automatique d’informations en vertu de l’article 9 de la directive 2003/48/CE relative à la fiscalité de l’épargne.

 

Elle prévoit le partage obligatoire des informations provenant de l’extérieur de l’Union européenne et fait écho aux récents cas de fraudes ayant impliqué un État membre et un pays tiers.

Elle a institué un comité de la coopération administrative en  matière fiscale, dont le rôle est d’assurer le suivi du fonctionnement de la directive. Il peut également agir en qualité de comité consultatif.

L’évaluation du fonctionnement de la nouvelle directive est obligatoire du fait qu’il doit avoir lieu cinq ans après l’entrée en vigueur de cette dernière.

 

 

* Article paru au supplément économique du  journal La Presse du 13 décembre 2010.

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